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Pablo Picasso / Aldo Crommelynck
La route du Cuivre – Mougins 1963-1972
Une histoire de gravure

01 / 07 / 2023
07 / 01 / 2024

  • Entrée libre
  • Ouvert tous les jours de 11h à 13h et de 14h à 19h
  • Mougins village
Commissaire scientifique : Emmanuelle Aynard
Commissaire artistique : Estelle Bories

Dans le cadre des 50 ans de la disparition de Pablo Picasso à Mougins, c’est tout naturellement que le Centre d’Art consacre sa première exposition à la collaboration entre le maître cubiste et le graveur de renom Aldo Crommelynck en mettant à l’honneur la gravure.
Le recours à cette technique lors de ses dernières années mouginoises, est l’une des caractéristiques du « dernier Picasso ».
Pablo Picasso s’installe à Mougins avec son épouse Jacqueline en 1961 près de la chapelle Notre-Dame-de-Vie dont la présence lui paraît de bon augure. Il y vivra ses douze dernières années, dans le beau mas de Mougins, où son inspiration sera prolifique en peinture, dessin, sculpture et gravure.

Pablo Picasso – David, Bethsabée et le prophète Nathan, gravure sur cuivre, 1970 ©Succession Picasso 2023, ©Aldo Crommelynck, ©Patrick Dubois

La route du Cuivre

L’installation du graveur Aldo Crommelynck en 1963 dans un atelier situé dans le village, rue du Badier, offre la possibilité à Picasso de s’appuyer sur un grand spécialiste. L’imprimeur l’a déjà assisté au début des années 1950 à l’atelier de Roger Lacourière avant d’ouvrir son propre lieu à Paris, y associant son jeune frère Piero.
Il y réside pendant des mois, de 1963 à 1972, pour réaliser les tirages des planches. Cette précarité du matériel réjouit Picasso et stimule sa créativité à Notre-Dame-de-Vie où il travaille les cuivres sur la table de salle à manger. Commencent des allées et venues parfois quotidiennes entre la propriété et le village où les cuivres sont traités à l’acide puis passés sous presse. Si Picasso se lie aussi d’amitié avec Piero Crommelynck qui fait halte en famille pendant certaines vacances, il se repose entièrement pour son travail en gravure sur le métier d’Aldo, dont les visiteurs occasionnels, frères, cousins, amis, aident à transporter les cuivres à graver en mobylette. Ces multiples allers-retours vont permettre la création de plus de 750 planches et sont à l’origine du titre de l’exposition : La route du cuivre.
Cette exposition inaugurale est rendue possible grâce au prêt de Corinne Buchet-Crommelynck d’un ensemble de 48 gravures. La sélection de la commissaire scientifique Emmanuelle Aynard1 , en concertation avec la fille d’Aldo Crommelynck, est motivée par la volonté de mettre en avant les potentialités formelles qui se jouent dans cette collaboration.

« La Route du Cuivre » est une exploration captivante d’une étroite collaboration entre les deux artistes, centrée sur leur utilisation expérimentale de la technique de la gravure. Le cuivre, matériau de prédilection pour cette technique, joue un rôle central dans l’exposition, symbolisant le lien fort entre Picasso et Crommelynck.
Chaque œuvre exposée raconte une histoire unique, révélant les thèmes et les influences artistiques que Picasso convoquent sans cesse dans ses œuvres gravées de la période mouginoise.
Les estampes de Picasso offrent un avantage majeur : elles permettent d’assister à la genèse de l’œuvre. George Bloch évoque à ce propos une entière émancipation créatrice qui traduit de manière directe (pulsionnelle) les exaltations, les obsessions et les hantises de l’artiste. Picasso confiera en 1968 à Aldo Crommelynck que pendant que les étudiants font leur révolution à Paris, il fait la sienne à Mougins.

Le parcours d’exposition

Il est basé sur l’exploration des séries (la Célestine, Raphaël et la Fornarina) et des grands thèmes (cirque, théâtre, le peintre et son modèle) qui structurent l’œuvre gravée de cette période. En dehors de l’approche formelle et historique, il a semblé important de ne pas négliger la compréhension des techniques de gravure afin de permettre à un public non spécialisé de faire la différence entre une pointe sèche, une eau-forte, une aquatinte ou une manière noire.
En plus des panneaux explicatifs, la présentation de photographies (Fonds Bnf) montrant Aldo Crommelynck intervenant sur les différentes étapes d’une gravure (du décapage de la plaque au passage sous la presse) aidera à une meilleure représentation de ses méthodes de travail. De même, l’exposition des 13 états d’un autoportrait sera l’occasion de mesurer les changements opérés sur une matrice.
La fin du parcours scénographique sera consacrée à la poursuite de la carrière d’Aldo Crommelynck et à sa collaboration avec des artistes de renommée internationale. C’est par son intermédiaire que David Hockney, Richard Hamilton ou Jim Dine ont eu connaissance et ont pu s’inspirer des œuvres gravées du « dernier Picasso ».
La ville de Mougins se réjouit de présenter cette exposition inaugurale au Centre d’Art et d’inviter les visiteurs à explorer la richesse créative de ces échanges entre un artiste légendaire et un grand maître graveur. «La Route du Cuivre» promet d’être un voyage passionnant à travers l’histoire de l’art et de la créativité afin de montrer en quoi la présence d’Aldo Crommelynck a permis à Pablo Picasso de s’exprimer sans limites en gravure.

©Succession Picasso 2023, ©Collection Traverso

©Succession Picasso 2023, ©Bertrand Huet

Aldo Crommelynck (1931-2008)

Aldo Crommelynck a passé sa jeunesse à Paris où son père,
le dramaturge belge Fernand Crommelynck, faisait jouer ses pièces dont le célèbre Cocu Magnifique.
Dessinateur précoce et doué, il entre à l’âge de 17 ans en apprentissage chez l’imprimeur Roger Lacourière. Il y fait ses preuves en interprétant des œuvres en gravure et renonce à sa carrière d’artiste. Il impressionne Picasso qui fait appel à lui régulièrement dans son atelier de la rue des Grands-Augustins. Il épouse Fiametta Ortega y Costa en 1953.
En 1956, il installe son premier atelier dans le quatorzième arrondissement, en association avec son jeune frère Piero. Par la suite, leur frère Milan viendra rejoindre l’équipe comme tireur. Imprimant toujours pour le peintre de Guernica, il collabore aussi avec Miró, Giacometti, Marini et Matisse, Le Corbusier, parmi d’autres célébrités et doit même sous-traiter auprès de Roger Dutrou (qui partira chez Maeght en 1961).
En parallèle, il soutient la conception de nouvelles gravures pour des éditeurs renommés comme Louis Broder, Pierre-André Benoît, Albert Skira, et la galerie Louise Leiris.
Entre 1963 et 1972, Aldo Crommelynck assiste Pablo Picasso à Mougins. Il est alors divorcé et c’est à cette période qu’il rencontre Marianne Frémaud en 1969 (Pep, qui sera sa seconde épouse et le soutiendra tout au long de sa carrière). Il installe un local sommaire rue du Badier à Mougins et reste de longs mois pour imprimer les cuivres sporadiquement gravés par l’artiste à Notre-Dame-de-Vie, sa dernière demeure.

En 1972, il achète avec son frère Piero un hôtel particulier, rue de Grenelle dans le 7ème arrondissement, où il installe un grand atelier dans lequel il collabore avec une quarantaine d’artistes contemporains issue du Pop mais aussi des représentants du néo-expressionnisme ou de l’art minimaliste américain.
Il reprend son indépendance en 1984, rompant l’association avec son frère. C’est à cette période que la Pace Gallery à New York lui installe un luxueux atelier à Manhattan pour favoriser des projets d’édition prestigieux à une période où l’estampe a le vent en poupe aux Etats-Unis. Deux expositions portant sur ses achèvements, tant en France qu’au niveau international, lui sont consacrées2. Jusqu’en 1994, l’imprimeur navigue entre les deux villes mais c’est surtout Paris et son mythe, lié aux traditions comme aux avant-gardes, qui séduisent durablement Richard Hamilton, Jim Dine, Red Grooms, David Hockney, Jasper Johns, Alex Katz, et d’autres nombreux artistes avec lesquels il collabore.
Crommelynck remporte le Grand Prix national des métiers d’Art en 1989.
Il se retire du monde de la gravure à partir de 1998. Presqu’une décennie plus tard, il assiste à l’exposition que lui consacre la Bibliothèque nationale de France3.
Son métier d’imprimeur en taille-douce, empreint de tradition et d’innovation, de méticulosité, culture et sens artistique, en ont fait un allié précieux pour approfondir la pratique de l’estampe, un prestigieux ambassadeur de l’eau-forte à la française.
Sa brillante carrière fut de nouveau mise à l’honneur en 2014, à la Bibliothèque nationale, dans l’exposition De Picasso à Jasper Johns, l’atelier d’Aldo Crommelynck.